Les titans du commerce électronique sont devenus l’équivalent de grandes vedettes du rock. Ces entreprises (et souvent leurs fondateurs) sont connues dans le monde entier. Cette notoriété a suscité l’attention des politiciens dans le monde entier. La plupart des politiciens semblent s’accorder sur le fait que ces plateformes en ligne présentent une multitude de menaces perçues — des préoccupations relatives à la confidentialité des données et à la diffusion de désinformation (même si les définitions de ces menaces varient énormément).

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Alors que les dirigeants élus de nombreux de pays expriment régulièrement des préoccupations à l’égard des sociétés de commerce électronique, peu de mesures concrètes ont été prises pour y remédier. En République populaire de Chine (RPC), la situation est différente.

Plus d’actions que de paroles

Le gouvernement chinois a exercé son pouvoir de réglementation à l’encontre, entre autres, des entreprises cotées en bourse de médias sociaux, d’offre de service de voiturage, de services financiers. Voici quelques exemples de mesures prises récemment par la RPC :

  • Limite imposée au nombre d’heures pendant lesquelles les joueurs de moins de 18 ans peuvent s’adonner aux jeux en ligne à compter d’août 2021.
     
  • Imposition de nouvelles réglementations aux entreprises qui exploitent des services de « partage », notamment les services de covoiturage, de partage de maison ou de vélo à compter d’août 2021.
     
  • Obligations pour les entreprises de soutien scolaire à but lucratif de se transformer en entités à but non lucratif en juillet.
     
  • Obligation pour Tencent (entreprise chef de file de technologie Internet) d’annuler les accords de licence avec différentes maisons de disques dans le monde entier en juillet 2021, ce qui fait pression sur les activités de divertissement de la société.
     
  • Obligation pour Ant Group de se restructurer, de se conformer à des réglementations et à des exigences plus strictes en matière de réserves de capital et de rompre sa relation avec Alipay (une application de paiement numérique largement adoptée) en avril 2021.
     
  • Amende infligée record de 2,75 milliards de dollars pour violation des règles antitrust infligée à Alibaba Group (fondé par Jack Ma, le milliardaire le plus connu).
     
  • Obligation pour Ant Group et Tencent de collaborer avec la banque centrale de Chine pour développer et distribuer un yuan numérique (paiement électronique en monnaie numérique ou e-CNY) annoncée en avril 2021 dans le cadre de l’initiative de l’État la plus importante en matière de monnaies numériques à ce jour.
     
  • Interdiction pour Ant Group (important conglomérat de technologie financière et filiale d’Alibaba) de donner suite à son offre publique initiale prévue en novembre 2020.


La stabilité sociale avant les bénéfices

Contrairement aux économies qui accordent une grande priorité aux bénéfices, la RPC fonctionne dans un système communiste où la stabilité sociale (maintien du statu quo) est primordiale. Les centres de pouvoir émergents (y compris les entreprises) relèvent de la primauté politique et économique du Parti communiste chinois et sont susceptibles d’être réglementés en conséquence.

Certaines réglementations sont le reflet du désir du gouvernement de déployer des ressources. Les progrès des technologies orientées vers les consommateurs (comme les médiaux sociaux et les jeux vidéo) ont souligné la possibilité de recentrer les esprits les plus brillants de la Chine, en concentrant leurs talents dans les technologies qui feront progresser la puissance industrielle et militaire du pays.

D’autres réglementations sont motivées par des thèmes plus complexes. Dans le secteur en croissance rapide du commerce électronique, avec des géants mondiaux comme Tencent et Alibaba et une foule de petites sociétés, la sécurité des données a gagné en importance. La RPC veut protéger la grande quantité de données que les entreprises recueillent à mesure qu’elles étendent leur empreinte internationale — en particulier celles qui ont des opérations aux États-Unis et dans d’autres pays où les relations avec la Chine sont tendues.

Le paysage concurrentiel est un autre domaine qui, selon la RPC et d’autres gouvernements dans le monde, doit être rééquilibré. L’accès au marché boursier mondial a permis aux entreprises de premier plan de la Chine de conquérir des parts de marché, souvent au détriment des bénéfices, ce qui a entraîné la fermeture d’un grand nombre d’entreprises de taille petite et moyenne — un résultat qui, s’il n’est pas maîtrisé, pourrait compromettre la stabilité sociale.

Enfin, le secteur du soutien scolaire à but lucratif a explosé au cours des deux dernières décennies. Un petit nombre de personnes ont réalisé des milliards de bénéfices, ce qui a accru le déséquilibre social pour des centaines de millions de citoyens chinois — une situation que le gouvernement chinois a jugé inacceptable. 

La motivation déclarée de la RPC pour la répression des entreprises de soutien scolaire à but lucratif était de protéger les familles de la classe ouvrière. La disparité des richesses en Chine ressemble assez à celle des États-Unis, selon le coefficient de Gini de la Banque mondiale (une mesure sommaire de l’inégalité des revenus mise au point par un statisticien italien), et les riches des deux pays cherchent à donner à leurs enfants des avantages dont ne bénéficient pas les moins fortunés. Le fait de s’attaquer à cette disparité favorise l’égalité d’accès à l’éducation et réduit le stress des enfants, en plus de réduire la charge financière liée à l’éducation d’un enfant, ce qui non seulement aide les parents, mais est le reflet des efforts du gouvernement pour encourager la natalité et endiguer la vague de diminution de la démographie qui pourrait entraver la croissance économique future du pays.

Pourquoi les investisseurs devraient s’en soucier

Les grandes entreprises chinoises de commerce électronique, dont Alibaba, Baidu, Didi et Tencent sont des joueurs importants sur la scène mondiale qui offrent des propositions commerciales attrayantes pour les investisseurs à la recherche d’occasions de croissance. Plusieurs entreprises basées en Chine représentent des positions démesurées dans l’indice MSCI marchés émergents1, comme le montre la Figure 1.

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L’intervention gouvernementale introduit de l’incertitude, ce qui peut entraîner une volatilité des cours des actions. Pour les investisseurs exposés à ces actions, cela peut entraîner une baisse de la valeur de leur portefeuille.

Ces interventions peuvent également réduire l’accès aux occasions d’investissement en Chine pour les investisseurs des autres pays. À l’heure actuelle, les investisseurs américains peuvent accéder à bon nombre de sociétés chinoises uniquement par le biais des certificats américains de dépôt (CAD), des certificats émis par des banques américaines qui représentent principalement l’actionnariat de sociétés étrangères. Toutefois, compte tenu des tensions croissantes entre les États-Unis et la Chine, en raison de leurs négociations continues à propos de la divulgation des informations financières, la structure juridique obscure appelée entité à intérêt variable (variable interest entity ou VIE) utilisée par de nombreuses entreprises chinoises, ainsi que des préoccupations de la Chine en matière de sécurité des données — les CAD chinois pourraient connaître un déclin au cours des prochaines années.

Même si les entreprises chinoises auront toujours accès aux capitaux internationaux par le biais des bourses où sont inscrits leurs titres, une part moins importante de ces capitaux appartiendra probablement aux investisseurs américains si les CAD ne sont plus disponibles.

Au cours de l’année écoulée, les sanctions introduites par le gouvernement américain ont déjà favorisé cet effet. Par exemple, les fournisseurs d’indices mondiaux S&P Dow Jones et FTSE Russell ont retiré certaines sociétés chinoises de leurs indices à la suite d’un décret américain interdisant les investissements nationaux dans des sociétés ayant des liens présumés avec l’armée chinoise.

Notre point de vue

Même si l’intervention réglementaire de la RPC a pesé sur les investisseurs étrangers en actions, nous pensons qu’il est peu probable que l’économie chinoise elle-même soit sévèrement limitée. La Chine est un pays immense qui dispose d’un capital interne énorme à même lequel puiser.

Nous nous attendons à ce que la plupart des sociétés de commerce électronique apportent des modifications à leurs modèles commerciaux et poursuivent leurs stratégies de croissance, tant au niveau national qu’international. Le gouvernement chinois n’a apparemment aucun intérêt à paralyser un secteur important qui emploie des centaines de milliers de personnes et contribue à la croissance économique. Toutefois, à court terme (au moins), pendant que les responsables de la réglementation règlent les détails, nous nous attendons à voir nettement moins d’offres publiques initiales dans le secteur du commerce électronique en Chine et une croissance potentiellement plus lente que prévu.

Quant à l’industrie du soutien scolaire, les changements seront de toute évidence structurels, puisque le président chinois Xi Jinping souhaite que le gouvernement prenne le contrôle de l’éducation pour les enfants d’âge scolaire. Les entreprises de ce secteur vont devoir se battre pour survivre et chercher des failles dans la réglementation afin de pouvoir continuer à réaliser des bénéfices. Elles seront de plus confrontées à un manque d’accès aux capitaux étrangers qui avaient contribué à leur croissance. À long terme, à moins que le gouvernement ne s’attaque à l’énorme demande pour le tutorat, une grande partie des activités pourraient finir par se retrouver dans la clandestinité.

D’un point de vue plus général, la relation économique entre la Chine et les États-Unis, ne sera plus caractérisée uniquement par une structure commerciale symbiotique — dans laquelle les faibles coûts de fabrication en Chine (qui ont permis d’obtenir de l’argent et d’augmenter le niveau de vie) répondaient à la demande apparemment sans fin des consommateurs américains pour des produits importés bon marché.

La rhétorique à propos des relations entre la Chine et les États-Unis est très différente aujourd’hui de ce qu’elle était en 2021, lorsque la Chine a été admise à l’Organisation mondiale du commerce et que les entreprises américaines ont réalisé des investissements substantiels dans les usines chinoises. Joe Biden, le président américain actuel, a infligé de nouvelles sanctions à la Chine en plus de celles imposées par son prédécesseur. Une fois de plus, la Chine a répliqué en imposant ses propres sanctions, alors que les chefs d’entreprise se concentrent de plus en plus sur la diversification de la chaîne d’approvisionnement. La Figure 2 souligne l’évolution de cette relation.

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Les relations commerciales entre la Chine et les États-Unis semblent maintenant caractérisées par des préoccupations relatives au vol de propriété intellectuelle, aux violations des droits de l’homme et à la concurrence pour l’influence mondiale. L’UE, la Grande-Bretagne et le Canada ont aussi imposé des sanctions à la Chine, tandis que l’Australie et la Chine se sont mutuellement imposé des droits de douane en raison de différends commerciaux.

Cependant, la Chine est un fabricant trop grand, trop efficace et trop important pour que le monde lui tourne le dos. C’est pourquoi les entreprises américaines ont exercé une forte pression sur l’administration Biden pour qu’elle élimine les droits de douane.

À la marge, nous nous attendons à une diversification accrue des chaînes d’approvisionnement. Nous pensons que les États-Unis seraient bien avisés de rapatrier une partie de la production de semi-conducteurs aux États-Unis et d’être plus autonomes en ce qui a trait à l’équipement de protection individuelle et à d’autres produits critiques. Cela dit, les entreprises américaines continueront à opérer en Chine, mais en respectant fermement les règles chinoises.

Le gouvernement chinois, comme ceux des autres grandes économies, tente de réglementer correctement les secteurs à croissance rapide, dont le commerce électronique. Étant donné que le gouvernement est soucieux de maintenir la stabilité sociale, nous ne serons pas surpris s’il impose d’autres changements réglementaires à l’avenir. Si l’histoire est un guide, la transparence, ou son absence, sera toujours un problème pour les investisseurs. Le moment et l’ampleur de ces changements peuvent être abrupts, comme nous l’avons observé.

Le type de risque qui accompagne naturellement les investisseurs dans un tel environnement n’est pas limité aux actions chinoises. D’autres pays moins développés présentent des caractéristiques semblables, mais leur profil est moins élevé, car ils représentent souvent une part plus faible des marchés boursiers. Ainsi, comme toujours, nous croyons fermement en une approche diversifiée pour aider à atténuer ces risques.

Nos stratégies

Nous sous-pondérons les actions chinoises du commerce électronique et du tutorat depuis un certain temps en raison de problèmes de valorisation. Ces sous-pondérations se trouvent dans les secteurs de la consommation discrétionnaire et des services de télécommunication, même si les médias les qualifient souvent de titres de technologie et d’éducation.

Pour ce qui est du secteur de la technologie, nous privilégions certaines sociétés spécialisées dans les semi-conducteurs, les logiciels et le matériel informatique, car nous estimons que le compromis entre les risques et les rendements potentiels y est le plus intéressant.

En ce qui concerne les pays, notre exposition à la Chine est également inférieure à celle de l’indice, principalement en raison de la sous-pondération des actions liées à l’Internet dans les secteurs de la consommation discrétionnaire et des services de télécommunication, et d’une légère sous-pondération dans le secteur de la santé.

Les récents changements réglementaires en Chine nous rappellent que les actions des marchés émergents peuvent être très volatiles. Nous ne doutons pas que d’autres chocs se produiront à l’avenir. Toutefois, le potentiel de rendement et les avantages de la diversification dans le cadre d’une stratégie d’investissement globale restent intacts. Grâce à notre approche multigestionnaire gérée activement, nous continuons de penser que nous sommes dans une position favorable compte tenu des inefficiences du marché à long terme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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